Friday 7 November 2008

BOOK 3, 'Family Restored' VII: A Good Bourgeois At Home

“But how happy I am to have been born in China! I have a house to shelter me from the elements, I have enough to eat and drink, I have all the commodities of existence. I have clothes, hats and a multitude of agreeable things; truly I have enjoyed the greatest felicity!” TIEN-KI-CHI, Chinese Letter

Here are the bourgeois: the priests of god Boutique, a
Set more like Chryseis than Cato of Utica,
Valuing most of all rents and share-coupons
Sailing the stock market, holding their harpoons
Honest-enough men, though of the fat sort, yet
Serving Phalaris because of their wallets,
And the Bronze Bull for the Golden Calf’s sake.
They voted. Tomorrow they’ll vote a retake.
And if free writing should come to these figures,
Feet on the fire-dog and smoking their cigars,
Each of these voters will reckon by this light:
“This book is a most shocking thing! By what right
Is it generous, firm, proud—when I am a coward?
Knocking m’sieur Bonaparte just makes me glower.
I think (he does too) it’s beggarly: you say this
But why? Sure! We all know Bonaparte’s faithless
Lawless too, he’s a perjurer, forger, a forcer,
It’s true that his policy’s armed like a corsair
He ordered the suppliant judges away, and
He stole the purse from the Prince of Orleans;
He’s the one biggest rogue earth ever set up
But now that I’ve voted him in—just shut up!
To write against him is to blame me, at root;
To tell me: look, see how the braver ones do it;
A way of informing us free neutral ones
That we have the odour of coward-poltroons.
I do admit that we’re all shackled at wrist.
But do you want stockmarket metldown,? For this
Scares our republic, turns it red to pink;
We need a good end to—well, do anything.
So we found an idiot and made him emperor
It is very simple.—We want no more Terror,
No Romieu’s ghost, No Peasant’s Revolt;
Took refuge from that in this swindling dolt.
But, when you speak ill of this administration
I feel disagreeably sharp indigestion
You mock him—you have every right to, it’s possible:
But it implies things of me, Mr Bourgeois Peaceable:
I made this old rascal consol and emperor,
Out of my fear and self-interest I said ‘h’rrah!’
I say: impertinence! Tch! You’ve avowed this
State of my being sunk deep beneath cowardice,
I am affronted that others are brave today
Other men’s courage fills me with a grave dismay.

Thinkers, when you see this faithless monsieur
As his shirt is torn off by the blood-spattered Law
Avenging our people, those grabbed by the throat,
The oath and the right; you are—and you know it—
Between reigning Sbogar and Géronte who voted;
And your ardent, anarchic pen, undevoted,
Demagogic, impious, caught between one side, this
Crime, and there on the other, this cowardice.


Un Bon Bourgeois dans sa maison

«Mais que je suis donc heureux d'être né en Chine ! Je possède une maison pour m'abriter, j'ai de quoi manger et boire, j'ai toutes les commodités de l'existence, j'ai des habits, des bonnets et une multitude d'agréments ; en vérité, la félicité la plus grande est mon partage!» TIEN-KI-CHI, LETTRÉ CHINOIS.

Il est certains bourgeois, prêtres du dieu Boutique,
Plus voisins de Chrysès que de Caton d'Utique,
Mettant par-dessus tout la rente et le coupon,
Qui, voguant à la Bourse et tenant un harpon,
Honnêtes gens d'ailleurs, mais de la grosse espèce,
Acceptent Phalaris par amour pour leur caisse,
Et le taureau d'airain à cause du veau d'or.
Ils ont voté. Demain ils voteront encor.
Si quelque libre écrit entre leurs mains s'égare,
Les pieds sur les chenets et fumant son cigare,
Chacun de ces votants tout bas raisonne ainsi:
Ce livre est fort choquant. De quel droit celui-ci
Est-il généreux, ferme et fier, quand je suis lâche?
En attaquant monsieur Bonaparte, on me fâche.
Je pense comme lui que c'est un gueux; pourquoi
Le dit-il ? Soit, d'accord, Bonaparte est sans foi
Ni loi ; c'est un parjure, un brigand, un faussaire,
C'est vrai ; sa politique est armée en corsaire
Il a banni jusqu'à des juges suppléants;
Il a coupé leur bourse aux princes d'Orléans
C'est le pire gredin qui soit sur cette terre;
Mais puisque j'ai voté pour lui, l'on doit se taire.
Ecrire contre lui, c'est me blâmer au fond;
C'est me dire : voilà comment les braves font
Et c'est une façon, à nous qui restons neutres,
De nous faire sentir que nous sommes des pleutres.
J'en conviens, nous avons une corde au poignet.
Que voulez-vous? la Bourse allait mal; on craignait
La république rouge, et même un peu la rose
Il fallait bien finir par faire quelque chose

On trouve ce coquin, on le fait empereur;
C'est tout simple. On voulait éviter la terreur,
Le spectre de monsieur Romieu, la jacquerie
On s'est réfugié dans cette escroquerie.
Or, quand on dit du mal de ce gouvernement,
Je me sens chatouillé désagréablement.
Qu'on fouaille avec raison cet homme, c'est possible
Mais c'est m'insinuer à moi, bourgeois paisible
Qui fis ce scélérat empereur ou consul,
Que j'ai dit oui par peur et vivat par calcul.
Je trouve impertinent, parbleu, qu'on me le dise.
M'étant enseveli dans cette couardise,
Il me déplaît qu'on soit intrépide aujourd'hui,
Et je tiens pour affront le courage d'autrui.»

Penseurs, quand vous marquez au front l'homme punique
Qui de la loi sanglante arracha la tunique,
Quand vous vengez le peuple à la gorge saisi,
Le serment et le droit, vous êtes, songez-y,
Entre Sbogar qui règne et Géronte qui vote;
Et votre plume ardente, anarchique, indévote,
Démagogique, impie, attente d'un côté
A ce crime ; de l'autre, à cette lâcheté.


Novembre 1852. Jersey.

Wednesday 5 November 2008

BOOK 3, 'Family Restored' VI: Oriental

When Abd-el-Kedir, in his gaol
Saw the thin-eyed fellow, he
Whom History named (that drôle—
Troplong too) Napoleon Three;—

At his window, leaning easy
Herds of servants in the van
One louche man of the Elysée,—
Another, savage desert man;

He, Sultan, born beneath the palm
Companion of the russet lion,
The untamed hajji, his eyes calm,
Pensive emir, fierce and kind,

Deadly, sombre personage
Spectre pale in white burnous
Who struck, in ecstasy of carnage,
Then dropped in shade upon his knees;

Who, flicking his tent flaps apart,
To pray beside the desert road,
Peaceful, lifting to the stars
Hands still stained with human blood;

Celebrating his swords’ blades,
He, mysterious dreamer, who
Sat on piles of human heads,
To contemplate the sky’s pure blue;

Seeing this traitor's look, deceit,
This low face of obscurest shame
He, pure soldier, pure priest,
Said: “and what is this one’s name?”

Before the vile moustachio-mask
He paused; but then he heard some geezer:
“Look out, emir, pass the axe!
This man—he is Bandit-Caesar!

“Hear the bitter plaints he utters
As his clamour just grows worse,
This man bears the curse of mothers
By all women he is cursed;

“Made them widows; forced their moans
He took France and cut her throat
Now he’s gnawing at her bones.”
So the hajji made salute.

But at bottom in his thoughts
He despised this blood-soaked Cain;
The tiger, with his nostrils taut,
Sniffed the wolf in sheer disdain.


Orientale

Lorsque Abd-el-Kader dans sa geôle
Vit entrer l'homme aux yeux étroits
Que l'histoire appelle—ce drôle, —
Et Troplong - Napoléon trois; -

Qu'il vit venir, de sa croisée,
Suivi du troupeau qui le sert,
L'homme louche de l'Elysée,
Lui, l'homme fauve du désert;

Lui, le sultan né sous les palmes,
Le compagnon des lions roux,
Le hadji farouche aux yeux calmes,
L'émir pensif, féroce et doux;

Lui, sombre et fatal personnage
Qui, spectre pâle au blanc burnous,
Bondissait, ivre de carnage,
Puis tombait dans l'ombre à genoux;

Qui, de sa tente ouvrant les toiles,
Et priant au bord du chemin,
Tranquille, montrait aux étoiles
Ses mains teintes de sang humain;

Qui donnait à boire aux épées,
Et qui, rêveur mystérieux,
Assis sur des têtes coupées,
Contemplait la beauté des cieux;

Voyant ce regard fourbe et traître,
Ce front bas, de honte obscurci,
Lui, le beau soldat, le beau prêtre,
Il dit : Quel est cet homme-ci ?

Devant ce vil masque à moustaches,
Il hésita ; mais on lui dit :
« Regarde, émir, passer les haches !
Cet homme, c'est César bandit.

» Ecoute ces plaintes amères
Et cette clameur qui grandit.
Cet homme est maudit par les mères,
Par les femmes il est maudit ;

» Il les fait veuves, Il les navre
Il prit la France et la tua,
Il ronge à présent son cadavre. »
Alors le hadji salua.

Mais au fond toutes ses pensées
Méprisaient le sanglant gredin
Le tigre aux narines froncées
Flairait ce loup avec dédain.

20 novembre. Jersey