Wednesday 25 February 2009

Book 4, ‘Religion Glorified’, II: What the poet said to himself in 1848

Don’t go sniffing about after power: you can
Work better elsewhere. You’re more spirit than man.
When the main chance presents itself, chastely withdraw—
Stay true to your first love—to sweet, grieving Thought.
Whether you’re mocked or admired, teach your lesson:
A father to guard people, priestly to bless them.
When citizens, famished and likely to perish,
Though sons of the same France and of the same Paris
Fight with each other—when suddenly appear
Barricades, sad sight, on street corners here
Mounting up, spewing death, shots left right and centre
Run out, then, alone and unarmed, in peace; enter
This murderous war—wicked conflict, too foul—
Bare your chest to the world; expose your own soul
Speak out—pray out—try to save weak and strong
Smile defiance at the guns and weep tears for those gone.
Then climb the calm hill til you’re far from the melée
And up there, defend at the ardent Assembly
Those they are sending to exile—save the wrecked,
Reverse the death penalty, serve people, protect
Our Order and Peace, seized by hotheaded others,
And our poor hoodwinked soldiers, and also your brother,
The Man of the People in small prison cell
And the Law, and proud sorrowful Freedom as well,
To console, in these trials of the anxious Oppressed
The divine art that shivers and sobs—for the rest,
Only await the moment when justice is brought full.

Your role is to warn the world and remain thoughtful


Ce que le poète se disait en 1848

Tu ne dois pas chercher le pouvoir, tu dois faire
Ton œuvre ailleurs ; tu dois, esprit d'une autre sphère,
Devant l'occasion reculer chastement.
De la pensée en deuil doux et sévère amant,
Compris ou dédaigné des hommes, tu dois être
Pâtre pour les garder et pour les bénir prêtre.
Lorsque les citoyens, par la misère aigris,
Fils de la même France et du même Paris,
S'égorgent ; quand, sinistre, et soudain apparue,
La morne barricade au coin de chaque rue
Monte et vomit la mort de partout à la fois,
Tu dois y courir seul et désarmé ; tu dois
Dans cette guerre impie, abominable, infâme,
Présenter ta poitrine et répandre ton âme,
Parler, prier, sauver les faibles et les forts,
Sourire à la mitraille et pleurer sur les morts;
Puis remonter tranquille à ta place isolée,
Et là, défendre, au sein de l'ardente assemblée,
Et ceux qu'on veut proscrire et ceux qu'on croit juger,
Renverser l'échafaud, servir et protéger
L'ordre et la paix, qu'ébranle un parti téméraire,
Nos soldats trop aisés à tromper, et ton frère,
Le pauvre homme du peuple aux cabanons jeté,
Et les lois, et la triste et fière liberté;
Consoler dans ces jours d'anxiété funeste,
L'art divin qui frissonne et pleure, et pour le reste
Attendre le moment suprême et décisif.

Ton rôle est d'avertir et de rester pensif.


27 novembre 1848

Tuesday 24 February 2009

Book 4, ‘Religion Glorified’, I: Sacer esto

No, Liberty! People, no: he must not die!
Oh! it would be simple, I am well aware
That now that he broken laws, marking the time
When holy decency flew in the air;

That having won it, his too-bloody game,
Obstacles that sword and fire outpaced;
That after ambush, death and perjured shame,
His false oath, puffed out in God’s own face;

That having dragged France, bodily gored,
Bound by the feet, behind his squalid car,
That this barrel-monkey gets stabbed by a sword
In the neck like Pompey, in the side like Caesar!

No! He’s the assassin who wanders the plains;
He killed, stabbed, and shot people without remorse,
He emptied the houses, he filled up the graves,
His movements watched by every dead eyed corpse;

Because of him, this most ephemeral emperor,
The son has no father, the child’s hopes fail,
The widow kneels, crying and sobbing, the mother,
A spectre now, sits under a long black veil;

To weave his most royal robes the shuttles
Are loaded with special and bloody stained thread;
It is Montmartre boulevard’s gutters,
That dyed his mantle with this spilled-out red;

You’re expelled—Cayenne, Africa, in the stockade,
Yesterday’s martyrs and heroes—now prison crop!
The scarlet guillotine’s wet streaming blade
Pours its blood upon him, drop by drop;

When treason, his pale accomplice, outside
Knocks at the door, he signs ‘let him in’
He is the fratricide! He is the parricide!—
People, that’s why we must not do him in!

Keep him alive. Oh! superb chastisement!
Oh! One day he’ll wander where cold paths wind,
As wind shakes the grass, nude, cold, despised, bent,
Execrated by the whole of mankind!

A past that is full of such foul crimes as his is
Grasping him closer than nailstudden cuffs
He seeks the depths, the woods, the abysses,
Pale, horrible, frightened and chased by the wolves;

Or in some vile gaol, deaf to his own chain,
Alone, all alone, vainly talking to rock,
And all around only silence, disdain,
Not people near him, only spectres that walk;

Growing old but rejected by death as too low,
Trembling in black night, by blue sky overawed
—People, step back! He is marked on his brow:
Let Cain go by! For he belongs to God.


Sacer esto

Non, Liberté! non, Peuple, il ne faut pas qu'il meure!
Oh! certes, ce serait trop simple, en vérité,
Qu'après avoir brisé les lois, et sonné l'heure
Où la sainte pudeur au ciel a remonté;

Qu'après avoir gagné sa sanglante gageure,
Et vaincu par l'embûche et le glaive et le feu;
Qu'après son guet-apens, ses meurtres, son parjure,
Son faux serment, soufflet sur la face de Dieu;

Qu'après avoir traîné la France, au coeur frappée,
Et par les pieds liée, à son immonde char,
Cet infâme en fût quitte avec un coup d'épée
Au cou comme Pompée, au flanc comme César!

Non! il est l'assassin qui rôde dans les plaines;
Il a tué, sabré, mitraillé sans remords,
Il fit la maison vide, il fit les tombes pleines,
Il marche, il va, suivi par l'oeil fixe des morts;

À cause de cet homme, empereur éphémère,
Le fils n'a plus de père et l'enfant plus d'espoir,
La veuve à genoux pleure et sanglote, et la mère
N'est plus qu'un spectre assis sous un long voile noir;

Pour filer ses habits royaux, sur les navettes
On met du fil trempé dans le sang qui coula;
Le boulevard Montmartre a fourni ses cuvettes,
Et l'on teint son manteau dans cette pourpre-là;

Il vous jette à Cayenne, à l'Afrique, aux sentines,
Martyrs, héros d'hier et forçats d'aujourd'hui!
Le couteau ruisselant des rouges guillotines
Laisse tomber le sang goutte à goutte sur lui;

Lorsque la trahison, sa complice livide,
Vient et frappe à sa porte, il fait signe d'ouvrir;
Il est le fratricide! Il est le parricide!—
Peuples, c'est pour cela qu'il ne doit pas mourir!

Gardons l'homme vivant. Oh ! châtiment superbe!
Oh ! S'il pouvait un jour passer par le chemin,
Nu, courbé, frissonnant, comme au vent tremble l'herbe.
Sous l'exécration de tout le genre humain!

Étreint par son passé tout rempli de ses crimes,
Comme par un carcan tout hérissé de clous,
Cherchant les lieux profonds, les forêts, les abîmes,
Pâle, horrible, effaré, reconnu par les loups;

Dans quelque bagne vil n'entendant que sa chaîne,
Seul, toujours seul, parlant en vain aux rochers sourds,
Voyant autour de lui le silence et la haine,
Des hommes nulle part et des spectres toujours;

Vieillissant, rejeté par la mort comme indigne,
Tremblant sous la nuit noire, affreux sous le ciel bleu...—
Peuples, écartez-vous ! cet homme porte un signe:
Laissez passer Caïn ! Il appartient à Dieu.


Jersey, octobre 1852